Au Rap comme à la Guerre
La thématique de la guerre a traversé le rap français. Que peut-on retenir du sujet auprès de nos lyricistes préférés ?
2022-05-16
La thématique de la guerre a traversé le rap français. Que ce soit pour caractériser des vies tumultueuses ou des traumatismes, pour se mettre en valeur, ou pour bien pour dénoncer, la guerre contribue à l'imaginaire violent du rap, et évolue avec lui. Alors, tandis que de graves conflits s’enlisent aujourd’hui en Europe - pour la première fois depuis 20 ans -, que peut-on retenir du sujet auprès de nos lyricistes préférés ?
Lorsque le grand-père Brassens prenait sa guitare en 1972 pour chanter Mourir pour des Idées, il se faisait critique des deux camps de la Seconde Guerre Mondiale et des fanatismes idéologiques qui avaient conduit à l’apparition des conflits militaires. Une prise de position neutre – mais très politique – qui lui avait coûté d’acerbes critiques. Sous son ironie caractéristique et sa verve, cela révélait surtout son idée de la paix, une paix simple et affable, une paix qui n’est pas engagée. Mais alors aujourd’hui, tandis que le spectre de la guerre refait son apparition en Europe avec le conflit russo-ukrainien, est-ce que ses héritiers prennent le même chemin ? Parce que le rap, c’est la chanson française, et que les années ne font que confirmer sa représentativité au sein du public français, qu’est ce que ce genre retient du mot « guerre » et de ses déclinaisons ? Et surtout, alors que le rap est assimilé (de fait) à un imaginaire masculin et violent, peut-il être porteur du drapeau blanc ? Petite enquête.
Part 1. La guerre : un terme déformé et emblématique
Les formules stéréotypées du rap à la guerre sont nombreuses et reconnaissables. Elles empruntent un univers largement exploré, autour du concept de violence, de vengeance, d’armes, et d’environnement social.
Avant de nous glisser au cœur du sujet, il est intéressant de noter de quelles manières les rappeurs se sont emparés du terme « guerre » pour le métaphoriser, le réadapter, le contextualiser. Impossible d’être exhaustif : si l’on veut dénombrer toutes les occurrences de « guerre » dans les lyrics de rap français, on en obtient plus de 17 000 depuis 1991. Si l’on s’attache au champ lexical guerrier, on pourra cependant remarquer qu’il est plus restreint, avec à titre d’exemple 3 600 références au terme « soldat(s) », 1 500 à « bataille(s) », et moins de 1 000 pour des mots tels que « conflit(s) » ou « militaire(s) ». Preuve qu’il s’agit avant tout, entre les rappeurs et leurs textes, d’une fascination pour la « guerre » en elle-même et pour ce qu’elle connote. Nous avons retenu deux aspects principaux pour lesquels la guerre n’est pas utilisée pour son sens strict, à savoir :
La guerre, ou l’illustration de la vie des quartiers
La guerre est un terme et un univers très exploité au sein du rap français des années 90. La guerre offrait une banque d’images immense pour désigner les conflits dans les banlieues et les violences urbaines. Alors que le rap s’est défini progressivement dans sa manière de s’engager et de dénoncer, la guerre est intervenue comme le reflet d’une réalité glaçante dans les cités. Le message guerrier est d’autant plus parlant qu’il inspire des générations de rappeurs et effraie ceux qui n’essaient pas de le comprendre - jusqu’à ce que le dialogue se rompe comme ce fut le cas lors des émeutes de 2005. De la bouche d’Expression Direkt, qui aura donné ses premières armes notamment à Rohff, la guerre, c’est un quotidien marqué par la violence et la rivalité, que reprendront plus tard des pères et mères du rap conscient tels que Youssoupha et Diam’s.
La chasse est ouverte
Compte les pertes comme en temps de
Guerre dans ma localité
78, par Expression Direkt, dans Le Bout du Monde, 1998
On a beaucoup d'estime pour les frères, on s'entraîne
Puis sème le mauvais engrais, histoire de gangs, on s'engraine
Trop d'quartiers en guerre, remballe ta rengaine
Puisque la paix est en panne et que ma campagne est en grève
Les meilleurs ennemis, par Youssoupha ft. Diam’s, dans A chaque frère, 2007
Dans le banks, métro, bédo, dodo, bang
Parle en biff, parle en slang
Guerre au quartier, ça sort l'arsenal
Forces de l'ordre et police nationale
Calm down, par Sam’s, 2018
La guerre et l’égotrip
Parce que la guerre, c’est aussi l’image parfaite pour illustrer sa force, son courage et sa bravoure, ou encore sa ruse et son sang-froid, on ne peut qu’apprécier les petites punchlines militaires de nos rappeurs préférés. Ça flex : mini-échantillon, s/o Sun Tzu.
J'commence pas la guerre j'la finis négro
Que ça soit avec les flingues ou avec le micro
Quand les dits retentissent et les yeux deviennent gris
Miséricorde du Seigneur, il est temps que tu pries !
La Duchesse de Boulogne, par Alpha 5.20, dans Ben Laden d’Afrique, Killuminati, 2011
Ne crois-tu pas qu’je sais c’que j’fais ?
Ne crois-tu pas qu’je sais c’que j’fais ?
Tellement longtemps que j’fais la guerre
Le prochain c’est Damso, m’fais pas jurer la vie d’ma mère
GLAIVE, par Booba, 2019
Dans l'bât', bre-som, sur le plavon toujours bre-som
Sur un braquo, hors du tiekson, l'argent est sale, fait de check son
L'art de la guerre, c'est ma passion, le trafic file grâce au réseau
Vingt kilos d'coke dans un camion (calme), traverse la côte sén’ au calme
L’art de la guerre, par Freeze Corleone ft. Black Jack OBS, dans La Menace Fantôme, 2019
Part 2. Un genre profondément pacifiste ?
Au-delà d’un usage détourné du champ lexical de la guerre, le rap sait avant tout prendre position. Autour de messages puissants et crus, les rappeurs expriment leur vécu et leur expérience. On a tendance à assigner les dénonciations politiques et militaires au rap conscient des années 90, caricaturant le rap moderne à la recherche d’une forme avant celle du fond, pourtant l’histoire globale du genre le montre : nos lyricistes préférés prônent la paix, parce qu’ils ne la connaissent que trop peu, aujourd’hui comme il y a 30 ans.
Nous avons sélectionné quelques exemples de guerres parmi les plus mentionnées dans les lyrics de rap.
La première et la deuxième guerre du Congo
C’est entre 1996 et 1997 que le président zaïrois Mabutu Sese Seko est chassé par des soutiens d’Etats étrangers. Sous l’autorité de Laurent-Désiré Kabila, la République démocratique du Congo naît, mais l’exercice politique conduit à des violences militaires et civiles qui ouvrent la deuxième guerre jusqu’en 2003. Cette dernière impliqua ainsi neuf pays, des milices armées privées, et constitue la plus grande guerre entre Etats dans l’histoire du continent africain. On parle de plus de 200 000 victimes, et d’immenses périodes de famine entraînant environ 4 millions de morts. On retrouve de nombreuses références au conflit dans le rap français, signes d’un réel traumatisme de la prise des armes :
Et j'ai vu des marmots partir à la guerre
Au Burundi, Congo, enrôlés par des militaires
Et j'ai vu aussi la lapidation des femmes afghanes
Dans mon pays, le saccage d'écoles juives ou musulmanes
Je ne suis pas un numéro, par M.A.P ft. Axiom, dans Debout Là D’dans, 2006.
À force de subir une guérilla sauvage
Mon pays meurt dans l'oubli et dans l'amnésie internationale
Y'a cette tragédie humaine dont l'opinion se moque
Pourtant la guerre au Congo a fait plus de 4 millions de morts.
A force de le dire, par Youssoupha, dans Sur les chemins du retour, 2009
J'suis Ragnar avec une cagoule, précis comme un shooter d'Chicago (Boom)
Pourquoi j'suis aussi violent ? Parce que j'ai connu la guerre au Congo (Sauvage, sauvagerie)
Apocalypse, par Kalash Criminel & Kaaris ft. Freeze Corleone, dans SVR, 2022
Le conflit armé israélo-palestinien
Opposant Palestiniens et Israéliens, le conflit engage une profonde notion religieuse entre sionisme et nationalisme arabe palestinien. C’est surtout en 1947 que la guerre prend forme, lorsque l’Organisation des Nations Unies décide du partage de la Palestine entre les deux camps. Les tensions voient éclore l’exode des Arabes palestiniens et l’arrivée dans la nouvellement proclamée Israël de minorités sionistes issues des pays du Golfe. Depuis, le conflit n’a eu de cesse de s’envenimer autour d’interventions armées, pour une redéfinition de la scission des terres, et la guerre s’est étendue aux territoires voisins.
Dans le cadre de cette guerre aux parts inégales, la majorité des références au conflit est unanime sur la question de l’oppression palestinienne. Parce que les rappeurs s’identifient à une minorité accablée, le discours se situe à mi-chemin entre un appel à la paix et la dénonciation de la puissance israélienne face à un territoire déséquilibré dont les moyens de défense sont réduits.
Mafia, comme la misère toscane ou, bien pire, celle de Palestine
Partout, pour des parts de terre naissent les guerres intestines
Mafia, par Ali, dans Le Rassemblement, 2006
Cher père, la guerre fait rage en Palestine
Je t'écris ces mots, je t'écris ces lignes
Le village se fait raser paraît-il
Ici, les nôtres sont terrassés par les tirs
Falestin, par Révolution Urbaine, couplet de Tarrus Riley, 2011
J'soutiens Palestine, serait-ce pareil si j'étais né d'l'autre côté ?
Tu sais c'est dur d'trouver la paix, quand en face brûle la guerre
Faut voir les choses en face, t'es rien sans place sur la Terre
De là où il est, par Lacraps, dans Machine à écrire, 2015
La guerre en Irak
La guerre d’Irak, autrement appelée son invasion, ou seconde guerre du Golfe, a été engagée par les Etats-Unis à l’encontre du parti de Saddam Hussein. Désignée comme « guerre préventive », son motif était de parer à la construction d’armes de destruction massive par l’Irak, dont l’administration Bush prétendait détenir les preuves. Seulement l’exécution de Saddam Hussein a mené à de forts déséquilibres politiques et des guérillas internes, ainsi qu’à l’apparition de milices et de groupuscules violents et profondément anti-américains. Des guerres civiles se succéderont entre sunnites et chiites, provoquant des centaines de milliers de morts dans les années qui suivirent, jusqu’à la victoire chiite. Les Etats-Unis, dont le réel motif sous-jacent se concentrerait plutôt autour d’un positionnement sur les ressources pétrolières du pays, se désengagent progressivement en 2009, laissant derrière eux l’âpreté d’une intervention militaire bien moins démocratique que ce qu’elle souhaitait démontrer.
Pour les rappeurs, à l’instar des civils qui ont connu les relents dévastateurs du conflit, cette guerre est surtout l’illustration de forces occidentales surpuissantes qui cachent derrière leurs bonnes intentions de sombres intérêts privés.
Au départ les Etats-Unis croyaient que l’Irak possédait
Une armada, armes chimiques, le bloc voulait dominer
Jeux de guerre, par N.A.P, dans La fin du monde, 1998
Pour qu'un président reste dans l'histoire, il lui faut une guerre
Et cette terre regorge de gisements pétrolifères (Irak)
C'est peut-être les prémices d'une troisième war
À cause de son pétrole, l'Afrique s'ra plongée dans le noir
Force Tranquille, par Disiz, dans Disizenkane, 2003
Pour tous les pirates (pour tous les pirates)
Où sont les pirates ? (han, han)
Y a qu'un seul miracle, prépare la guerre comme en Irak (han, han)
Pirates, par Norsacce ft. Aketo, dans Marathon, 2021
Part 3. La mise en récit des guerres : témoignages & storytelling
Au fil des générations de rappeurs, la guerre est traitée avant tout sous l’aspect du traumatisme. Elle est pour certains la raison de prendre la plume, et de retranscrire les atrocités qui en découlent. Que ce soit pour parler du conflit militaire, des guerres de gang, ou de violences plus abstraites, l’image de la guerre renvoie avant tout au choc qu’elle procure et à la manière avec laquelle elle fait mûrir ceux qui la vivent, de loin ou de près. Surtout, les conflits sont abordés sans fioritures. Le rap est une traduction très dure et concrète de moments extrêmement difficiles, entre affrontements ou pillages. Et c’est aussi dans ce registre que le storytelling, ou l’art de mettre en récit une vie, un souvenir, une expérience, prend tout son sens.
On peut citer par ce biais Gaza Soccer Beach de Médine, issu de son album Démineur, où ce dernier narre le sort d’un enfant palestinien mort lors d’une opération militaire israélienne sur la bordure de Gaza en 2014, alors qu’il jouait au football avec trois de ses amis. Ce morceau, qui joue d’une métaphore filée entre le foot et le largage du funeste missile, interroge surtout sur l’inaction qui entoure les interventions armées sur des civils, d’autant plus sur un territoire déjà sinistré et en peine de tout moyen de défense. Médine, clairement pro-palestinien, en appelle aussi à l’attention de populations indifférentes, et cherche à attirer l’adhésion à la paix ou du moins à la protection des plus fragiles dans des contextes de guerre.
D’autres lyricistes font état de la guerre vécue à un jeune âge, ou bien par des proches. C’est à ce sujet que Siboy confiait dans une interview : « à cause de la guerre au bled, on a dû fuir le pays, arrivés en France, le temps d’avoir les papiers, on a dormi dehors, fait les hôtels, j’ai pas arrêté de déménager, le temps que notre situation soit stable. Pour mon père, en fait il était militaire, si je me rappelle bien, c’était un conflit de deux ethnies, et un camp a pécho mon père. Et obligation de se battre vu qu’il était à l’armée, donc ça l’a mis dedans aussi. C’est très brouillé dans ma tête parce que ça remonte, mais ce dont je me souviens bien c’est qu’il était en taule et que c’était dur. Vu que je m’en rappelle encore de plein de trucs précis, je pense que ça m’a marqué au fond. » Et l’on retrouve nettement cette tragédie dans ses sons :
Inoubliable est l’amour maternel
A cause de la guerre j’n’ai pas eu de maternelle
Al Pacino, par Siboy, dans Spécial, 2017
Gros métal dans cartel cérébral, j'suis conscient qu'c'est pas très amical
Enfance très marquée par la guerre, baisser les bras quand on les connait as-p
Tout va bien, par Cheu-B ft. Siboy, dans Icône, 2019.
Gaël Faye, lui, a vu éclater la guerre au Burundi tout juste après ses 10 ans, et a perçu dans l’écriture un moyen d’y trouver du « réconfort ». C’est au contact de la culture hip-hop en France, à l’adolescence, qu’il a trouvé une forme d’expression pour en témoigner, avant d’écrire le roman primé Petit Pays.
Une feuille et un stylo apaisent mes délires d'insomniaque
Loin dans mon exil, petit pays d'Afrique des Grands Lacs
Remémorer ma vie naguère avant la guerre
Trimant pour me rappeler mes sensations sans rapatriement
Petit Pays, par Gaël Faye, dans Pili pili sur un croissant au beurre, 2012
Les connexions entre le rap et la guerre se veulent donc d’une gravité saisissante. Quand les conflits militaires sont mis en récits, la haine, la douleur ou la peine prennent place. Le désarroi, aussi, et l’incompréhension. Une partie de l’histoire du rap français s’inscrit dans la négligence de la douleur par ceux qui ne connaissent pas le front. Le rôle du rappeur, dans ce cadre, devient un rôle de proximité, celui de connecter la réalité d’un terrain abrupt et dangereux auprès d’un monde occidental fait de confort et de matérialité.
Et si le rap est ainsi relié aux thématiques militaires, c’est parce qu’il ne veut plus prendre les armes. Mais dans ce cas, comment imaginer la paix ?
Part 4. Le concept de la paix : un doux rêve
La paix se définit primitivement comme la cessation de la guerre, du conflit, entre deux belligérants, et peut se voir amenée par un armistice - c’est-à-dire un accord écrit entre les parties -, une capitulation, une reddition, afin de voir apparaître une ère de quiétude. Seulement, bien plus qu’une définition concrète, la paix cache derrière elle des enjeux idéologiques et sociaux. Elle n’est pas vue de la même manière en fonction du milieu de celui ou celle qui la désire, et n’apporte pas les mêmes intérêts.
Du côté de nos chers rappeurs, cette paix semble être un enjeu délicat à voir éclore, et surtout abstrait. Pour autant, elle reste un motif de lutte
J'me bats contre la guerre, j'me suis enrôlé
Phaal Philly pacifiste, faut s'cramponner
Le chemin du but final est une randonnée
Quand j'aurais l'argent et un grand sommier je m’envolerai
Temps Perdu, par 1995, Alpha Wann, dans La Suite, 2012
Je vois que la fils de puterie nous inspire souvent
L'irrépressible envie de queneller l'autre
Quel être plus indigne que ne l'est l'homme?
Qu'en est-il des rêves pacifistes de Lennon?
Foutaise, par Brass, dans Dix-Sept, 2019
Pierre malachite, crime bien mal acquis, j'kick
J'écris rimes pacifistes de Kigali à Kin' (Kin')
Loin des bords du monde, je flotte dans le néant
J'bricole des cabanes éphémères, frère, et des royaumes d'enfant
Interstellar, par Youssoupha ft. Gaël Faye, dans Neptune Terminus, 2021
Kigali désigne une ville du Rwanda, Kin correspond à Kinshasa la capitale de la République démocratique du Congo. Gaël Faye tisse un pont entre deux pays déstabilisés par des guerres au long cours, depuis le génocide des tutsi aux guerres du Congo, et rappelle le passé troublé commun aux deux lyricistes. Devenir un pacifiste du rap français revient aussi à prévenir, à avertir, à éclairer.
Le prix de la paix
Pourtant, le concept de paix ne fait pas l’unanimité. Que ce soit sous l’étiquette de l’armistice cité plus-haut, de la trêve, du cessez-le-feu, les rappeurs sont très sceptiques sur la mise en place d’un calme durable. Ce pour deux raisons principales : soit parce que la paix est une idée qui profite non pas au peuple mais à ceux qui décident de la signer, soit parce qu’elle sera à jamais menacée par la nature humaine elle-même. Le rap est cynique, et même pessimiste quant à la possibilité de connaître la tranquillité dans un monde construit par les armes, le conflit, l’argent.
Guerre là n'est pas mon intérêt
Et pourtant je ne crois pas en la paix
Paix, par Suprême NTM, dans Authentik, 1991
Ni crainte, ni défi la solution qu'on applique
Juste un droit qu'on saisit le talion ma réplique
La justice sans armistice, j'insiste, rend les coups, les cicatrices
Talion par La Boussole, dans Le Savoir est une Arme, 2004
Trop rentables sont les guerres, trop de guerres pour la paix
Trop de P.I.B., trop béantes sont nos plaies
Jusqu’ici tout va bien, par Médine, dans Table d’écoute 2, 2011
Guerre et paix, armistice au profit de l'auteur vainqueur
Les autres comptent pour du beurre, pris en sandwich entre estomac et peur
#yolo, par Lucio Bukowski, dans Hourvari, 2016
Désabusés mais unis
Le constat est alarmant. La paix est un business, une promesse non tenue, finalement elle devient le reflet de l’oppression de puissants sur les plus modestes. Est-il seulement possible de ce point de vue de pouvoir baisser les armes quand le pacifisme devient une menace ? Plus encore, est-ce qu’il est souhaitable d’aller au front pour défendre ses idées et ses proches ? La réponse est inaltérable : aussi fragile la paix soit-elle, elle reste un objectif et un idéal, l’union prévaut sur la défense par les armes. L’imaginaire de la quiétude dépasse celui de la violence.
J'ai rien d'un pacifiste mais je déteste la guerre
Normal, toujours des innocents qu'on envoie sous terre
La Guerre, par la Fonky Family, dans Marginale Musique, 2006
Le cœur meurtri de familles inconsolables
Et les pleurs de cette mère que rien ne pourra soulager
Baissez les armes, cessez le feu
Énormément de morts souillent les trottoirs de nos villes
La Vengeance aux 2 visages II, par Alonzo ft. Brams, dans Amour, gloire et cité, 2012
j'prône la paix sans prix Nobel
La guerre, c'est des pauvres qui s'battent sans se connaître pour des ches-ri qui s'parlent au tél', yeah
Pétasse, par Dosseh, dans VIDALO$$A, 2019
Ainsi, à l’heure où la guerre n’a jamais été aussi proche de notre quotidien, où elle envahit les espaces médiatiques, où elle se règle comme un nouveau cadran étouffant, les rappeurs nous rappellent qu’il s’agit d’un sujet omniprésent dans des quotidiens voisins. Le rôle que le rap aborde aujourd’hui se visse autour d’un thème phare : la vie est un combat, et la paix n’est jamais acquise. Par la bataille idéologique, politique ou matérielle, l’enjeu est la préservation des siens et des plus fragiles, premières victimes des conflits. Alors que Paris ne croule pas encore sous les bombes, le soulèvement moral posé par la plume des lyricistes interroge aussi notre propre réalité autour du monde militaire. Quand Brassens nous dit de prendre garde aux veilleurs de bonnes consciences et à ceux qui nous demandent de se battre, les rappeurs nous incitent aussi à les rejeter, afin de prendre les armes pour des valeurs qui sont les nôtres.
Monsieur le Président je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
je ne veux pas la faire
je ne suis pas sur Terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
je m’en vais déserter
Le Déserteur, par Boris Vian, 1954