La SACEM du Rap FR

Pourquoi la plus connue des institutions musicales est en permanence citée par tes MC préférés ?

2022-05-25

Rap FR

On dénombre près de 1000 références à la SACEM dans tout le rap francophone. Quand ils parlent de la SACEM, les rappeurs se plaignent principalement du peu d’argent qu’elle leur redistribue et envient donc celle d’autres artistes. Mais avec les récents succès de certains artistes, les mentions de la SACEM les choses sont en train de changer, ou pas.

C’est quoi la SACEM ?

La société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique est un organisme de gestion collective. Un auteur, parolier ou compositeur, y adhère et délègue la charge de la perception de ses droits. Chaque trimestre, l’organisme redistribue à l’auteur le cumul des droits générés par l’utilisation de ses œuvres. Ces droits sont perçus lorsque les œuvres sont diffusées en concert, en radio ou alors reproduites et consommées par le biais d’un CD ou d’un stream.

Plus d'princesse dans mes rêves, que des porte-jarretelles,
Plus d'contrat de travail mais des droits d'SACEM 

Ol’Steel, Au coucher du soleil, 2012

Le siège de la SACEM à Neuilly-sur-Seine

“ J’veux la SACEM à … ”

Utilisée par les rappeurs, la SACEM est avant tout synonyme d’argent. Mais c’est souvent le manque ou l'absence de versement de celui-ci qui les obsèdent. Les rappeurs fantasment alors la SACEM d’autres auteurs et c’est souvent les chanteurs de variétés françaises qui sont concernés. Certains rappeurs comme Kalash Criminel, Maes et Jul jouent sur le décalage artistique entre leur musique urbaine et le succès international des artistes de variétés. Parmi les plus cités on retrouve Johnny Hallyday (11),Pascal Obispo (9) et Jean-Jacques Goldman (5).

On retrouve ce discours chez Spider Zed dans le morceau “Sacem” en feat avec Hyacinthe : “Qu’est-ce que je veux ? La SACEM à Patrick Hernandez” où le rappeur envie la courte carrière de l’auteur du hit mondial “Born to be alive”. 

Citer la SACEM devient tellement habituel que les rappeurs se mettent même à envier les droits d’auteurs de leurs collègues du game tels que Ninho ou Soprano, régulièrement cités comme un exemple de réussite commerciale. On a même entendu une référence à un beatmaker, FLEM, dans le morceau “Bleu” de Wallace Cleaver

J'veux 10 fois plus de blé qu'un terrain ou qu'la SACEM d'Flem en 2021

Wallace Cleaver, Bleu (2021)

Car les rappeurs ne sont pas les seuls à récupérer des droits SACEM sur leurs morceaux. Le succès phénoménal de Freeze Corleone cette année-là a donc logiquement profité au beatmaker avec qui il travaille le plus souvent. Enfin, comme pour toutes les références dans le rap, certains rappeurs utilisent la SACEM uniquement pour la rime afin de pouvoir placer des noms d’artistes de variétés. C’est notamment le cas du Prof Chen et de Lesram et leur  amour pour Francis Lalanne

J'veux la SACEM à Francis Lalanne avant que j'brandisse la lame, retentisse l'alarme, au quartier, même les blancs disent "salam"

Lesram, Wesh enfoiré (2022)

Johnny Hallyday est le chanteur français le plus associé à la SACEM chez les rappeurs avec 11 citations.

Une inégalité de traitements dans les genres musicaux ?

Si les rappeurs jalousent autant les royalties des chanteurs de variétés, c’est qu'en tant qu’artistes urbains, le réseau de récupération de leurs droits d’auteurs a mis du temps à se structurer. Le rappeur Ekoué (du groupe mythique La Rumeur) dénonçait déjà ce phénomène en 1997 dans le morceau “De l’eau dans mon vitriol” :

En attendant je reste prudent car la SACEM me doit des sous

La Rumeur, De l’eau dans mon vitriol, 1997

Aujourd'hui encore, les déclarations d’utilisation d'œuvres permettant à la SACEM de récolter les droits d’auteurs ne sont pas toutes normalisées. Selon les propos du producteur Tefa en 2020, la SACEM ne collecterait pas les redevances de 1 800 bars à chicha en France représentant ainsi 20 à 30 millions d'euros de la musique urbaine qui ne sont donc pas redistribués. Cette mauvaise perception des droits participe alliée au manque de reconnaissance des artistes rap au sein des institutions culturelles a participé à tendre les relations entre la SACEM et les rappeurs. 

La SACEM me file tout juste de quoi me payer un 'sque-di'
Les droits d'auteur ne sont qu'les tips de l'industrie

Scratch Bandits Crew, Pour le plaisir, 2017

1 800 bars à chicha en France seraient hors du circuit de récupération de la SACEM

La SACEM comme symbole persitant de la réussite dans la musique

Gagner de l'argent grâce à sa musique est l'un des objectifs premiers de beaucoup de rappeurs. Dans cette quête, la SACEM est vu comme un symbole de réussite et de confort. Commencer à percevoir la SACEM, ça signifie que sa musique est diffusée et qu'elle touche louche un public. C'est potentiellement le début d'une nouvelle vie quand on se lance en tant qu'artiste.

Plus jamais être en déficit, j'veux qu'tout ça cesse. J'veux qu'la mif' puisse enfin vivre grâce à ma Sacem

Quincy, Plus jamais, 2017

Pour certains rappeurs dont la popularité a explosé en quelques années et dont la musique est très largement diffusée comme Niska ou JUL, la SACEM semble même être devenu une manne financière énorme, comparable à un braquage. Leur donnant ainsi l'occasion de construire des punchs d'égotrip, comme Gims par exemple, toujours plus dans l'abus.

Eh oh, c’est moi, celui qu’la SACEM ne peut plus payer

Gims, Loup, 2018

Pourtant, les droits d’auteurs ne semblent pas suffire pas à contenter financièrement tous les rappeurs. Plusieurs d’entre eux font référence à la SACEM pour rappeler que leur quotidien ne change pas malgré leur activité artistique. En comparaison avec la vente de drogue, les revenus liés aux droits d’auteurs semblent dérisoires. On retrouve ce discours chez HIM$, Olazermi ou encore Kodes

J'suis posé dans un hall, j'attends toujours la SACEM

Kodes, Rap télé, 2020

La rémunération en provenance de la SACEM étant liée aux nombres d'écoutes recensés par l'organisme, elle varie pour chaque artiste. Pour plus de détails vous pouvez retrouver un résumé des pourcentages de répartition ici. La tâche de l'organisme est complexe car en principe, chaque lieu qui accueille du public dans un but commercial et qui diffuse de la musique dont elle n'a pas les droits doit s'acquitter de droits SACEM. On pense évidemment aux boîtes de nuit aux restaurants ou bars, mais les coiffeurs, les garagistes ou toute autre profession qui accueille du public est également tenue aux versements de droits. Et pour détecter les lieux qui auraient consciemment ou non, oublier leur obligation, la SACEM compte sur l'auto-déclaration ou bien sur des inspecteurs que l'institution envoie parcourir le territoire. Autant dire qu'il est impossible pour elle de recenser la totalité des lieux et qu'une partie de la rémunération échappe à leur contrôle (notamment les bars à chichas).

SACEM est l'acronyme de "Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique"

Le nombre de références à la SACEM en fait un mot culte du rap francophone. L’organisme assurant la même action depuis 170 ans, les punchlines qui lui sont adressées ne s’attachent pas à une époque ou à un genre de rap particulier. C'est une référence inscrite dans les codes du rap, une sorte de passage obligé dans les textes d'un artiste comme il existe tant d'autres. 

Lâché sans hésiter, lynché dans les JT
Mais pour l’amour de la SACEM, je fais preuve d’Ipséité

Damso, Ipséité (2018)

🖊 Rédigé par Gaspard
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