Les milliardaires français dans le viseur

‍S’il y a bien un thème qui fascine le rap (et ses auditeurs), c’est la question de l’argent : focus sur les références aux ultra-riches

2023-09-24

Rap FR

S’il y a bien un thème qui fascine le rap (et ses auditeurs), c’est la question de l’argent. Mais les comptes en banque de nos artistes préférés font parfois pâle figure à côté de ceux de certaines richissimes familles françaises. Avec une fortune allant « modiquement » de 185 millions d’euros pour Arnaud Lagardère à 211 milliards d’euros pour Bernard Arnault, chacune d’entre elles s’est construite différemment et elles n’occupent pas toujours la même place dans les textes de rap. Si certains rappeurs se réclament des plus riches pour illustrer leurs talents d’entrepreneurs, pour d’autres les multimillionnaires sont synonyme d’argent sale et d’un système qui favorise le creusement des inégalités. Le thème des grandes fortunes françaises illustre une ambivalence du rap, oscillant entre fulgurances d’égo-trip et considérations éthiques.

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On a pas de pétrole mais on a des milliardaires
Des Dassault des Bolloré des Bouygues des Lagardère

Rockin’ Squat, On n’a pas de pétrole… (2010)

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Bernard Arnault, LE milliardaire

Pour la seconde année consécutive, Bernard Arnault se place en tête du classement des hommes les plus riches de la planète. L’homme d’affaires à la tête du groupe LVMH personnifie un pouvoir sans pareil, autant source de critiques que de fantasmes. Inévitablement des rappeurs comme L’1consolable, le groupe La Rumeur, ou encore Akhenaton critiquent très tôt l’ultra-richesse par le prisme des inégalités économiques et sociales. L’homme le plus riche du monde est alors défini par sa capacité à posséder, à investir et surtout à générer de l’argent sans sembler lever le petit doigt. Et les punchlines à son sujet n’ont pas fini de pleuvoir quand on sait que le milliardaire a doublé sa fortune depuis le début de la pandémie du Covid-19.

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Bernard Arnault lors de la présentation des résultats annuels du groupe LVMH (2023)

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Le manège appartient à Bernard Arnault

Rocé, Jingle Bells (2021)

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J'sais qu'un jour, j'serais riche mais p't-être pas plus qu'Arnault

404Billy, Anti élite (2022)

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Serge Dassault, le marchand d’armes

Si la richesse permet de vivre au-dessus de la moyenne, elle permet parfois même de vivre au-dessus des lois. Certains ultra-riches deviennent parfois même intimement liés à la politique. C’est le cas de Serge Dassault, ancien président du groupe industriel Marcel Dassault et maire de la ville de Corbeil-Essonne de 1995 à 2009. Le nom de Dassault, si aptonyme qu’il en devient évident de l’utiliser au détour d’une rime, est surtout cité dans le rap français pour son rôle dans l’industrie de l’armement, ses magouilles en tout genre, et pour sa proximité avec René Andrieu, le père d’Ademo et de NOS (PNL), mais aussi sa mise en examen pour achat de voix dans le but de se faire élire, comme le rappelle dernièrement Zek avec le track “Zombies”.

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Oui oui ça sent l'Essonne on a pas besoin de pomper les mecs de Chicago
Oui, oui, c'est l'argent sale de Serge Dassault qui finance les fusils d'assault

Zek, Zombies (2015)

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Bouygues, Bettencourt, Drahi : les informateurs

‍Avec la richesse financière, toutes les formes de pouvoirs deviennent accessibles. Parmi elles, le contrôle de l’information par le biais des médias fait particulièrement réagir les rappeurs. En effet, à une époque où les frontières de la liberté d’expression sont remises en question et où la censure est décomplexée, certaines grandes fortunes ont une réelle capacité d’action sur l’industrie musicale.

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Vald parodie le YouTubeur Killuminaty et décrypte son clip « Mégadose » (2016)

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Quand ils contrôlent ouvertement l'information. Quand ces messieurs Bolloré, Rotschild, Pinault, Dassault, Lagardère et Bouygues se disputent les parts du gâteau

La Canaille, Une Goutte de Miel (2009)

D’après la célèbre infographie du Monde Diplomatique, l’ensemble des médias français est détenu par une poignée de grandes fortunes. Parmi elles, on retrouve ainsi la famille Bouygues qui gère le groupe TF1, la famille Bettencourt l’Opinion et Patrick Drahi, entre autres, la chaîne BFMTV.

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À peine j'ai vu le jour, que j'étais déjà prêt
À n'pas collaboré avec les Bouygues et Bolloré

Rockin’ Squat, Born Ready (2012)

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Vincent Bolloré et la Françafrique

Vincent Bolloré est la fortune française la plus citée par les rappeurs avec plus de 100 occurrences. Connu pour ses stratégies commerciales offensives, il est à la tête de grands groupes industriels spécialisés dans l’urbanisme, les télécommunications et actionnaire d’Universal Music Group (UMG). Très critiqué par le rap au sujet de ses activités portuaires et forestières en Afrique, le groupe Bolloré personnifie les problématiques post-coloniales que représente l’exploitation des ressources de ces pays par les entreprises françaises. Des rappeurs comme Alpha 5.20, Mr Söze ou encore Rockin’ Squat avec le morceau “On a pas de pétrole…” dénoncent ainsi les activités des groupes comme Bolloré, Orange, SFR ou Bouygues, notamment pour leurs implications dans les conflits armés en République Démocratique du Congo.

Vincent Bolloré au coté d'Alpha Condé, le président guinéen à l'inauguration d'une aire de stockage d'énergie, à Conakry (2014)

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La tour Total, Elf-Gabon
Et Vincent Bolloré, pour moi n'est qu'un colon

Alpha 520, Saddam Hussein (2010)

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Cet axe de critique perdure jusqu’en 2023 avec notamment les propos de Saint Denis dans son morceau “ Comme un jazzman”

Si t'es l'seul blanc en Afrique t'es coloré.
A qui sont les ports d'mande à Bolloré

Saint Denis, Comme un jazzman (2023)

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Les rappeurs, prochains ultra-riches ?

Alors quand les rappeurs accèdent à leur tour à un certain niveau économique, des questions se posent et ceux qui ont choisi l’indépendance, à l’image de Rockin’ Squat ou de 404Billy, ne manquent pas d’envoyer régulièrement des tacles aux superstars intégrées à l’industrie musicale. Dépassant la simple échelle française, le développement de certaines carrières met en exergue la cohabitation sur le même territoire de deux mondes a priori opposés qui tendent malgré tout à se rejoindre, à l’image de Booba, Gims ou Dadju, à la tête d’empires financiers qui se chiffrent en dizaine de millions d’euros et dont l’influence, artistique ou non, plane sur le reste du milieu. Les fortunes de France mentionnées dans les textes sont donc le reflet d’une division interne au rap où les idéologies se mélangent, faisant des ultra-riches des modèles pour certains et des monstres pour d’autres.