Quel BPM pour le Rap FR ?

Tour d'horizon des changements structurels du genre en terme de BPM

2024-10-02

Rap FR

Cet article fait suite au précédent intitulé "Jusqu'où les morceaux vont-ils rétrécir ?". Dans ce dernier, nous avons observé la réduction progressive de la durée des morceaux de rap francophone au fil des années. Mais la longueur des titres n'est pas la seule donnée qui a changé. En effet, ces dernières années, le rap français a également connu des bouleversements sur le plan musical, notamment au niveau de la vitesse des morceaux, souvent mesurée en battements par minute, ou BPM. Dans cet article, nous allons tenter d’examiner cette évolution du BPM et son impact sur la scène musicale.

Qu’est-ce que le BPM ?

Le BPM, ou Beats Per Minute (battements par minute), est une mesure qui indique la vitesse à laquelle une musique est jouée. Il s’agit du nombre de battements que l’on peut compter en une minute, chaque battement correspondant à un temps dans la musique. Un BPM plus élevé signifie une musique plus rapide, tandis qu’un BPM plus bas correspond à une musique plus lente. Le BPM est essentiel car il influence non seulement le rythme d’une musique, mais aussi son ambiance et son ressenti général. En musique, le BPM varie énormément selon les genres:

Répartition des genres musicaux selon le BPM

Constat

Évolution de la distribution des BPMs du Rap FR année après années

Fait intéressant, la modification des BPM dans le rap francophone s’est opérée presque en parallèle à la réduction de la durée des morceaux. C’est autour de 2015 que cette double transformation se fait particulièrement ressentir. Non seulement les morceaux deviennent plus courts, mais leur vitesse augmente également. Cependant, contrairement à l’idée reçue, les anciens BPM n’ont pas disparu pour autant. Ils coexistent désormais avec les nouveaux tempos, enrichissant ainsi la diversité rythmique du rap français.

1995-2008 : de l’âge d’or à la crise du disque

Mauvais Oeil par Lunatic (2000) - 93 BPM en moyenne

Durant cette période, le rap français reste fortement ancré dans une esthétique héritée du rap new-yorkais. Les productions, souvent influencées par des groupes comme Mobb Deep, maintiennent des BPM relativement lents, oscillant entre 80 et 100 BPM. Ce tempo permet de mettre en avant les textes et les flows, deux éléments clés du boom bap. L’époque est marquée par un âge d’or où les morceaux sont souvent longs, avec des structures complexes et des messages profonds.

Toutefois, la crise du disque qui débute dans les années 2000 va progressivement pousser les artistes à explorer de nouvelles avenues musicales pour attirer un public en pleine mutation.

2008-2013 : de la crise du disque au renouveau

Perdu d'avance par Orelsan (2009) - 112 BPM

C’est à partir de 2008 que les premières expérimentations se font sentir. On assiste à une diversification des influences, avec des artistes qui incorporent des sonorités électroniques dans leurs productions. Si la majorité des morceaux restent encore à des BPM modérés, une tendance vers des tempos plus rapides commence à émerger.

Cette période est également marquée par l’avènement d’un rap plus minimaliste et parfois plus expérimental. L’apparition de la trap, d’abord aux États-Unis, commence à influencer les productions françaises. Le BPM grimpe lentement, et cette accélération va véritablement exploser avec l'arrivée massive de la trap quelques années plus tard.

2013-2019 : explosion de la trap et deuxième âge d’or

Or Noir par Kaaris (2013) - 125 BPM

La trap s’impose à partir de 2013 comme la nouvelle norme dans le rap francophone. Avec ses rythmes plus rapides, souvent situés autour de 120 à 130 BPM, et ses basses lourdes, elle marque un tournant radical dans l’évolution sonore du genre. Le projet Or Noir de Kaaris, sorti en 2013, symbolise ce changement. C’est un point de bascule où les BPM du rap s'accélèrent, rompant avec l’esthétique plus lente du boom bap.

Le succès de la trap conduit à l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes qui vont dominer le paysage musical francophone, tels que PNL, Ninho, Damso, SCH et Nekfeu. Ce renouvellement du BPM et de l’esthétique musicale n’a pas plu à tout le monde, certains regrettant l’époque du rap “à l’ancienne”. Mais loin de tuer le genre, cette évolution va marquer ce que beaucoup qualifient de “deuxième âge d’or” du rap français.

2019-2024 : la drill et la diversification

DRILL FR par Gazo (2021) - 141 BPM

En 2019, une nouvelle vague déferle sur le rap avec l’arrivée de la drill, d’abord popularisée aux États-Unis par des artistes comme Pop Smoke. Ce genre, inspiré par la drill UK, propose des rythmes sombres, marqués par des BPM oscillant souvent entre 130 et 145. Des noms comme Freeze Corleone ou Gazo deviennent la figure de proue de ce courant en France, et contribue à faire exploser la popularité de ce sous-genre.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Dans la foulée de la drill, d’autres courants commencent à émerger et à se développer : la 2-step, la jersey drill, la plug, l’hyperpop, la detroit, le new jazz, pour n’en citer que quelques-uns. Le rap français est aujourd’hui plus diversifié que jamais, au point que différents sous-genres coexistent avec des BPM allant de l’extrêmement lent à l’ultra rapide.

Ensemble des distributions de BPMs à travers les années

Le rap francophone a toujours su se réinventer, et l’évolution des BPM en est l’un des signes les plus flagrants. Des tempos lents et introspectifs du boom bap à l'explosion de la trap, en passant par l'arrivée de la drill, le BPM reflète les changements et les métamorphoses successives du genre. Aujourd’hui, le spectre des BPM dans le rap est plus large que jamais, témoignant de la richesse et de la diversité de la scène actuelle. Ces transformations constantes montrent la capacité du rap à absorber de nouvelles influences tout en conservant son identité, ce qui laisse entrevoir de belles perspectives pour l’avenir du genre.

✍️ Écrit par Max Minerz
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